8 mai 2011

« La laïcité en Belgique a-t-elle une histoire ? »

par Pol DEFOSSE

Introduction :  Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Joseph II, influencé par le courant philosophique des lumières, inaugure dans les Pays-Bas une politique qui vise à assurer la suprématie de l’Etat et  à réduire le rôle de l’Eglise catholique dans la société. Cette politique, appelée le joséphisme, sera poursuivie et accentuée sous le régime français (1794-1815) (confiscation des biens du clergé, l’Eglise ne tient plus les registres de l’état civil, n’a plus le monopole de l’enseignement et de la bienfaisance ; en 1801, Napoléon et le pape Pie VII signent un Concordat qui  inaugure le régime des cultes reconnus par l’Etat : les prêtres sont des fonctionnaires payés par l’Etat).

La révolution en 1830 : les deux courants idéologiques en présence, libéralisme et catholicisme, sont condamnés pour des raisons de politiques internationales à trouver un compromis qui constitue jusqu’à nos jours le socle sur lequel sont établies les relations entre l’Etat et les cultes. Les catholiques obtiennent que soient inscrits dans la Constitution les trois principes suivants : liberté de l’enseignement, indépendance totale de l’Eglise par rapport au pouvoir public,  les prêtres séculiers sont payés par l’Etat ( art 181 = ex 117 de la Constitution) . Les libéraux revendiquent que figurent dans la loi fondamentale le droit à la liberté de conscience, l’antériorité du mariage civil, la liberté de la presse, la liberté d’association … A ce stade,  la laïcité se limite pour les libéraux généralement croyants, pratiquants et francs-maçons, à contenir et à combattre la puissance de l’Eglise, à restreindre son rôle dans la société. (Exemple création de l’ULB)

Seconde moitié du XIXe siècle : Sous l’influence de divers facteurs
(positivisme, darwinisme, montée de l’industrialisation et du socialisme, influence des proscrits français…), les mentalités vont évoluer. A une conception déiste du monde se substitue une conception rationaliste, matérialiste et a-dogmatique. En 1854, est créée à Bruxelles une association  « L’Affranchsissement » qui réclame le droit pour ses membres à un enterrement civil. D’autres associations de libre pensée, de tendance soit libérale bourgeoise soit socialiste ouvrière, voient le jour dans les décennies qui suivent surtout dans les régions industrielles du pays. Ces associations étendent leur champ d’activités (fêtes de la jeunesse, meeting, conférences, cérémonies laïques). Franchement anticléricale, la laïcité devient une force qui s’oppose à l’Eglise catholique notamment dans le domaine de l’enseignement, principal objet de discorde au XIXe siècle.

Après la seconde guerre mondiale : un courant  nouveau de pensée se développe en Flandre  fondé sur les expériences vécues pendant la guerre (la shoa, Hiroshima, Dresde etc…)  et la nécessité de réhabiliter le respect dû à l’Homme, de le réconcilier avec lui-même. En 1951, des libres penseurs fondent l’Humanistisch Verbond qui n’avait plus comme objectif de combattre les religions mais sur base de l’égalité, du respect et de la tolérance, de leur juxtaposer des institutions qui garantissent la liberté religieuse et celle de ne pas croire. Cette nouvelle orientation philosophique humaniste de la laïcité qui n’a aucune référence transcendantale, revendique pour toutes les conceptions philosophiques une égalité et une neutralité de l’Etat. Elle s’implante progressivement dans la région francophone au cours des années 1960 et débouchera sur une restructuration de la laïcité : comprenant qu’il faut rassembler ce qui était épars, des libres penseurs constituent en 1969 le Centre d’Action Laïque (CAL). En 1971 se forme l’Unie Vrijzinnige Verenigingen (UVV) et le 21 juin 1972 le Conseil Central Laïque,  aujourd’hui interlocuteur officiel de la laïcité auprès des pouvoirs publics. Cependant pour mettre en place une véritable politique d’accueil des non-croyants fondée sur le respect et la tolérance, il fallait disposer de moyens comme en disposaient les autres cultes reconnus. Dès le début des années 1970, les responsables de la laïcité ont donc entrepris de demander leur reconnaissance par les pouvoirs publics, laquelle aboutira finalement en 1991 par la modification de l’article  181 ( ex 117) de la Constitution qui reconnaît l’existence de conseillers laïques. Une décision qui cependant a été et est encore critiquée aujourd’hui par certains laïques.